Déjà leader sur la première étape de la course, Alexandre Ozon et son Beepox 9.90 « Team de Choc » ont décroché la première place du second round en survolant l’Atlantique en 13 jours 1h 14′ et 15 » ! Le navigateur revient sur son aventure et l’aide précieuse apportée par le logiciel Adrena.
Peux-tu nous parler de ton utilisation d’Adrena ?
J’ai Adrena depuis 2012 je crois. Je l’utilise à chaque navigation mais aussi à la maison pour rejouer les traces, affiner les polaires, et faire des routages. C’est super car on peut vraiment analyser beaucoup de données et s’amuser avec les points pivots. Ce qui me plaît le plus, c’est qu’au final l’humain a encore beaucoup d’impact dans la prise de décision de suivre ou non un routage et donc cela ouvre pas mal le jeu.
Quelles fonctions utilises-tu le plus ?
Le routage et son analyse, la cartographie bien sûr mais aussi l’AIS et le tracking. Et les traces à rejouer pour débriefer et « découvrir des trucs des fois ».
Le logiciel Adrena a-t-il été un atout pour gagner la Transquadra ?
Indéniablement, je pense que je me sers du logiciel à environ 80% surtout avec la page données numériques accessible depuis la version carbone et les histographes que j’utilise constamment. Coloriser le vent, ça ça aura été systématique, c’est du visuel rapide et ultra efficace (il vaut mieux avoir un ordi performant pour le faire). Tous les jours, moyenner sa polaire et le vent Grib pour affiner les futurs routages, ça se fait en 30 secondes sur Adrena et ce sont des données primordiales sur nos capacités à faire marcher le bateau et sur les tendances des fichiers Gribs.
Mes atouts pour cette Transquadra étaient : Adrena et surtout savoir l’utiliser, mon pilote et l’électronique NKE, mes voiles Starvoiles.. Avec ça, il n’y a plus qu’à faire le maître d’orchestre qui gère tout ce petit monde sur un bon bateau.
Quand ta course a-t-elle pris le tournant de la victoire ? Quelle décision a selon toi été la bonne ?
Mon option Sud du départ où j’ai passé environ 3 heures la première nuit sur Adrena à valider différents scénarios. Environ à 4 ou 5 jours de l’arrivée, je simulais les routages de mes concurrents directs et ils ne suivaient pas les routages pourtant gagnants allant dans du vent plus fort sur une option plus Nord. J’ai dù passer au moins 2 heures à les prendre 1 par 1 avec des pourcentages sur les polaires et sur les vents pour comprendre leur stratégie. De toute évidence, « le groupe » se marquait. Cela m’a permis de faire ma route, je suis monté un peu plus au nord chercher de la pression mais j’ai créé un décalage qui ne me convenait pas des masses. Ensuite, le paquet s’est mis dans mon sillage et là je me suis réellement dit que « je menais la danse » et que surtout ça validait clairement mes quelques milles d’avance. Pour autant, jamais je n’ai levé le pied…
La casse de ton safran, ça n’a pas été trop frustrant en fin de course ?
J’avais, jusqu’à la casse de mon safran, fait une course encore plus parfaite que dans mes rêves ou mes scénarios les plus optimistes, la première étape incluse. C’était un peu improbable cette situation donc la casse du safran remet plein de choses en question et surtout aurait pu remettre ma course en jeu. Et là, j’étais déjà dans un état de fatigue avancé (11 jours de mer + pas dormi la nuit précédente car de nombreux grains à négocier), les conditions étaient bien sûr bien engagées et de nuit comme par hasard. Il a fallu protéger le bateau, et le remettre en route en essayant d’aller le plus vite, avoir une vision globale différente pour : 1 ramener le « ptit rose » et le bonhomme à bon port et 2, essayer de finir la course et rester sur le podium.
Là, j’avoue que Adrena et l’ordi ont chauffé : analyse de la météo, analyse des concurrents avec les 345 milles restants à parcourir, différentiel de potentiel de vitesse avec ma configuration en version « 1 patte », routages multiples et variés avec 70% 75% 80% 85% 90% de ma polaire… Ca fusait partout sur l’écran, on aurait dit un super calculateur avec plusieurs possibilités, de la plus optimiste à la moins. Là j’avoue que la maîtrise de l’outil informatique est indispensable et un gros point fort. J’ai vite compris que je pouvais sauver la 2ème place et que pour la 1ère, ce serait envisageable mais au prix d’un effort considérable du bonhomme sur la marche du bateau et sûrement un facteur chance au taquet. Il fallait barrer, barrer, barrer et barrer et adapter souvent la voilure (1ris dans la GV et 2 Ris voir 1,5 ris, ce qui marchait le mieux 😉 avec génois tangonné). Puis se mettre en mode « warrior » et ne rien lâcher, surfer et attaquer chaque vague, mais en faisant attention à ne pas décrocher et partir en vrille, le tout sur des œufs. J’ai donc fait plus de 40 heures en mode grain à volonté à plus de 44kts avec un vent moyen de 25kts je pense, houle d’environ 4m au maximum et houle croisée bien sûr. J’ai même été obligé de refuser des surfs tellement la mer était défoncée (jusqu’à 19kts sur une seule pelle et tout l’avant du bateau jusqu’au mat hors de l’eau avant de dévaler la piste noire). Avec le recul, je me dis que des fois je suis un peu allumé et que c’était peut-être pas très raisonnable. Heureusement que j’avais une parfaite confiance en mon bateau et que j’avais qu’une seule obsession : finir sans aucun regret en donnant tout jusqu’au bout, et battre le record de la course.
J’en suis même arrivé à avoir des hallucinations visuelles et auditives, de charmantes dames me parlaient d’une voix douce et agréable…
Bref, une fin complexe qui gâche un peu le plaisir. Mais quel kiffe, arriver de l’autre côté entier, le bateau en pleine forme et avec un accueil magistral mais surtout, de pouvoir accueillir tous les copains !!!
On a parlé d’un manque de préparation de la flotte. Quel est ton avis là-dessus. Comment t’es-tu préparé pour ta course ?
Oui c’est une évidence. Mon avis est simple, nous sommes des amateurs qui avons un travail prenant et qui pour certains ne mesurent pas vraiment ce que peut-être une transat en course. Le manque le plus évident est le sujet technique, informatique, électronique. Sur La Rochelle, au sein de notre groupe Transquadra, nous avons fait des formations Adrena, NKE, Sail.Cloud, SailGrib ou autre. J’ai fait 2 formations Adrena au groupe avec les différentes possibilités et beaucoup de conseils. Fort de constater que c’était indispensable mais pas suffisant pour certains qui manquaient tout simplement de pratique. Le manque de préparation physique pour certains et de maitrise de leur bateau ou des manœuvres, mais encore une fois de plus, nous sommes censés être des amateurs !!!
Pour ma part, je partais avec mon bateau que j’ai depuis 11 saisons avec lequel je suis en parfaite osmose. C’est un point non négligeable. J’avais essayé de me préparer au mieux pour cette Transquadra avec mon budget ultra serré. J’avais plusieurs fois navigué sous spi avec dans 30-38kts, sous pilote. Globalement, je connaissais toutes les configurations possibles même si on en découvre toujours. Je m’étais fixé des objectifs assez hauts d’ailleurs (podium en solitaire). J’ai eu l’occasion de pas mal naviguer entre les 2 étapes sur des bateaux du Team Transquadra La Rochelle, c’est important. Puis le physique, natation, course à pied et vélo. Mon gros point faible restera le sommeil, alors là, y’a vraiment un dossier.
Dans tous les cas, je pense qu’au vu du niveau grimpant très fort de la Transquadra, si tu veux faire une bonne place, il faut y aller préparé un minimum. Pas besoin de courir des marathons mais au moins être bien physiquement, ça aidera sur la longueur de la course.
D’autres projets de courses pour la suite ?
L’avenir nous le dira. Mais dans un premier temps, la saison sur un magnifique SunFast 3600 qui sortait du chantier Grassi juste au retour de notre Transquadra. Plein de belles promesses où nous venons de faire un podium sur l’Armen Race en double. Et puis le « ptit rose » attend toujours son 2ième safran. Je pense, le connaissant bien, qu’il aimerait aller se dégourdir la quille plutôt que de rester au ponton de La Rochelle !!!